Les hypogées de grands dignitaires du Nouvel Empire, et plus particulièrement de la seconde moitié de la XVIIIe et du début de la XIXe dynasties, constituent l’objet d’étude principal de la MAFB. Ces tombes, dont la plupart étaient totalement inconnues, s'avèrent apporter des éléments nouveaux et essentiels à notre connaissance de Memphis et de l'Egypte à cette époque de l’histoire pharaonique. Leur décor et leur aménagement se révèlent souvent remarquables. De plus, elles peuvent encore contenir un matériel funéraire exceptionnel, comme ce fut le cas avec la sépulture du vizir et père divin ‘Aper-El. Masqué par la présence des nombreuses momies de chats, ce cimetière du Nouvel Empire était en effet pratiquement vierge sur le plan scientifique, alors qu’il s'agissait, en son temps, d'une zone particulièrement centrale de la nécropole memphite. N’était-elle pas située au-dessus des palmeraies et des jardins de la capitale, et placée sous la protection tutélaire des pyramides et des mastabas des souverains et des sages de l’Ancien Empire, époque déjà fort lointaine à ce moment-là? Aussi l'ambition majeure de la Mission du Bubasteion a-t-elle été et est-elle toujours de redonner à ce site toute la place qu'il mérite dans l'histoire et l'archéologie du Nouvel Empire, et de montrer que cet ensemble, où ont été inhumés des personnages majeurs des XVIIIe et XIXe dynasties, est d’un intérêt considérable, égal et parfois supérieur à celui des monuments contemporains situés sur d’autres grands sites du pays. Cette réhabilitation scientifique d’un site sauvé de l’oubli et de la destruction (notamment due aux écoulements provenant du rest-house de l’administration des Antiquités, situé sur le plateau), par l'étude et par la fouille, s’accompagne d’un projet ambitieux de conservation, restauration et présentation de cet ensemble. Il était certes difficile d'admettre que ce site ignoré et en apparence ruiné, parfois même dangereux (du fait de la fragilité de la roche en ce lieu), correspondait à un cimetière majeur de Memphis, la ville principale de l'Egypte au Nouvel Empire. Pourtant, on y retrouve un à un des tombeaux de grands dignitaires, connus ou inconnus, souvent mieux conservés qu'il n'y paraît, qui obligent de plus en plus les spécialistes à renouveler, parfois radicalement, leur point de vue sur le Nouvel Empire, y compris l'Epoque Amarnienne.

Ces hypogées sont semblables dans leur structure, en dépit de certaines différences notables, à ceux qui ont contribué à faire la gloire de Thèbes, et sont comme eux riches d'apports historiques et autres. Sur le plan archéologique, ils sont d'autant plus intéressants qu'ils présentent entre eux des différences parfois importantes. Si la plupart étaient essentiellement rupestres, certains étaient précédés d'une partie construite en beau calcaire blanc (dit de Toura, du nom des carrières situées de l'autre côté du Nil). Leurs plans peuvent diverger, en fonction de l'importance de leur propriétaire, de l'époque, etc. Leurs décors balancent, parfois à l'intérieur de la même tombe, entre le relief, généralement peint, et la simple peinture. La qualité de ces décors est généralement très bonne, parfois même exceptionnelle. Bien que les recherches aient été d’abord consacrées au repérage et à la protection des chapelles de ces tombes, elles ont parfois donné lieu à des découvertes hors du commun comme le montre l'exemple de la tombe du vizir et père divin ‘Aper-El. En effet, dans les années 1980, la MAFB a trouvé dans celle-ci, au prix de plusieurs années d'efforts, un ensemble funéraire pillé seulement à l’époque antique, dont l'importance qualitative et quantitative est comparable à celle de certaines découvertes réalisées à Thèbes jusque dans les années 1920. Pour Saqqara et, au-delà, pour toute la nécropole memphite, c'était et c'est toujours la seule fois qu'un tel ensemble funéraire du Nouvel Empire a été découvert dans le cadre d'une fouille archéologique scientifique.

L'importance sociale des propriétaires de ces tombes confère un intérêt tout particulier aux recherches et aux découvertes de la Mission du Bubasteion. Il s'agit en particulier de personnages de premier plan des règnes d'Hatchepsout et Thoutmosis III, mais surtout du temps d’Amenhotep (Aménophis) III, Amenhotep (Aménophis) IV (Akhenaton), Toutankhamon, Horemheb, Ramsès II et Merenptah ; donc des XVIIIème et XIX ème dynasties (XV ème-XIII ème siècles avant notre ère). Si certains d'entre eux étaient connus par l'une ou l'autre mention dans une inscription, on ne se doutait pas qu'ils étaient inhumés à Memphis et qui plus est dans cette zone si négligée de Saqqara. En fait, on a le sentiment de plus en plus net que cette nécropole a pris toute son importance avec le règne d'Amenhotep (Aménophis) III (même si l'on a des exemples de tombes antérieures, comme celle du chancelier Nehesy qui organisa la fameuse expédition de Pount sous la reine Hatchepsout). Plusieurs tombes de personnages importants ont été aménagées sous le règne de ce roi et on se demande si elles ne l'ont pas été parce qu'il y avait dans ces parages des références historiques et cultuelles de premier plan (tombeaux anciens, sanctuaires, etc.). On songe en particulier au prince héritier Thoutmes, un fils d'Amenhotep III, qui mourut sans doute avant de monter sur le trône et laissa ainsi la place au futur Akhenaton. Comme d'autres princes royaux avant et après lui, il fut grand-prêtre de Memphis et inaugura l'inhumation à Saqqara des taureaux Apis dans des tombeaux individuels.

© A. Zivie, d'après Les Tombeaux retrouvés de Saqqara (Paris, 2003)