Saqqara / ‘Ankhtaouy
Le site où travaille la Mission Archéologique Française du Bubasteion ou MAFB est situé non loin de la lisière du désert, à Saqqara, principal cimetière de Memphis (à environ 35 km au sud-ouest du Caire), dans une position éminemment centrale. Son importance était restée totalement méconnue avant qu’Alain Zivie, fondateur et chef de la mission ne commence à s’y intéresser à partir de l’année 1976 et à le fouiller à partir de 1980.
Il était et reste encore connu localement, parfois, sous le nom arabe de Abouab el-qotat, « Les Portes (= les Tombes) des chats », du fait qu’il abritait des catacombes consacrées aux chats de la déesse féline Bastet ou Bubastis, surtout à partir de l’Epoque Tardive et à l’Epoque Gréco-Romaine. Mais en fait, ces catacombes se sont en quelque sorte développées sur un substrat plus ancien d’un millénaire à savoir un ensemble de tombeaux rupestres ou hypogées du Nouvel Empire égyptien. Ce sont ces tombes, remarquables à tous égards et inconnues il y a encore trois décennies environ, qui sont l’objet principal des fouilles et des recherches de la MAFB.
Masqué par la présence de ces si nombreuses momies de chats, le cimetière du Nouvel Empire était pour ainsi dire scientifiquement vierge il y a quelque 25 ans. Pourtant, il s'agissait d'une zone importante de la nécropole, puisqu'elle correspondait au moins en partie à ce que les Egyptiens appelaient la dehenet de ‘Ankhtaouy, c'est-à-dire le plateau ou plutôt la falaise, l'escarpement, de cette zone urbaine de Memphis en quelque sorte transposée dans la zone des nécropoles. C'est là qu'ils aspiraient à être inhumés, selon les inscriptions. On les comprend. Si déjà il faut quitter ce monde et recevoir une sépulture, autant que ce soit dans ce coin de la nécropole plutôt bien situé, pas trop isolé dans le désert comme d'autres, au-dessus des palmeraies et des jardins de Memphis et placé plus ou moins sous la protection des rois d'autrefois et de leurs pyramides, comme des grands sages de jadis et de leurs mastabas. Un point d'ancrage commode et non dénué de grandeur et de beauté pour affronter l'éternité, en somme ! Aussi l'ambition majeure de la Mission du Bubasteion a-t-elle été et est-elle toujours de redonner à ce site toute la place qu'il mérite dans l'histoire et l'archéologie du Nouvel Empire. Montrer qu'il s'agit d'un ensemble beaucoup plus considérable où ont été inhumés des personnages majeurs des XVIII ème et XIX ème dynasties, et que l'aspect et le décor de leurs tombeaux comme leur contenu se révèlent et se révéleront remarquables comparés aux monuments contemporains des autres grands sites du pays.
Il n'y a pas eu de véritable rupture dans l'importance que connut la ville de Memphis et donc sa nécropole, du milieu de la XVIII ème dynastie au milieu de la XIX ème dynastie, même si Thèbes continuait d'être une brillante métropole, surtout religieuse, et en dépit de la création de la cité éphémère de Tell el-Amarna (Akhetaton) par Akhénaton, et, plus tard, de l’établissement par les Ramsès d’une nouvelle capitale en Basse Egypte. Ainsi, sous Ramsès II, c'est à Memphis, donc à Saqqara, que bien des hauts dignitaires choisirent de se faire inhumer, dans des sépultures, rupestres ou construites, dignes d'eux et de leur rang. C'est donc à Saqqara que l'on trouve souvent du nouveau sur ce règne qui paraît pourtant si bien connu, et c’est effectivement ce qui se produit en plusieurs points de la vaste nécropole memphite, entre autres au Bubasteion. Citons ainsi la tombe de Nétchérouymes, alias Parakhnawa, avec sa belle statue rupestre représentant la vache Hathor et un pharaon (sans doute Ramsès II lui-même) ! Il s’agit de la tombe d'un personnage considérable dont nous ne savions pratiquement rien et qui s'avère avoir été un important diplomate, le principal artisan de la paix signée en l’an 21 de Ramsès II avec les Hittites, lesquels le mentionnent du reste à plusieurs reprises. C'est un aspect essentiel de l'histoire de ce règne qui prend corps avec la découverte et la fouille de cette tombe.
© A. Zivie, d'après Les Tombeaux retrouvés de Saqqara (Paris, 2003)
|
|
|
|
|
Vue partielle de la falaise du Bubasteion dans les années 1970.
Photo A. Zivie / MAFB © Hypogées |
|